NOUS AURONS TOUJOURS PARIS.
Un sonnet me demande Violante…
L’avionnette est sur le petit aéroport. Rick a décidé qu’elle partira avec le garçon blond; lui, il restera avec le vieux policier. Elle, Ilsa, regrette: «Est-ce que notre amour, ça n’importe pas? «Nous aurons toujours Paris» -répond Rick (Humphry Bogart).
Bien sûr, quand Bogart énonce la sentence magique, il n’invente pas le concept; l’idée de Paris. Voyons :
Lorsqu’on visite les cimetières de Paris, à savoir: Père Lachaise, Montmartre, Montparnasse et d’autres, on apprend qu’ils appartiennent au patrimoine parisien. Et cette appartenance n’est pas due à un pur hasard. C’est parce que sous ses pierres tombales demeurent pas mal d’illustres personnages.
En effet, dans le dix-neuvième, aussi avant et dans la première partie du vingtième, tout le monde qui se prenait pour quelqu’un convoitait d’ habiter Paris. Et les autres, pour devenir quelqu’un. Comme le personnage de Vargas Llosa, un homme gris qui n’avait qu’une seule ambition; habiter, lui aussi, Paris.
Paris comme symbole, comme lieu commun; comme… Si je suis affamé et j’apprends que dans un endroit l’on mange avec délectation, j’ai deux chemins: le premier, au négatif, maudire ces sacrés gourmets; le deuxième, au positif, rêver de sa fameuse cuisine. En plus: si je manque de liberté, si je suis entouré de médiocrité, si je souffre persécution pour cause de mes amours imprudents, si je crève d’ennui, si le décor de ma vie me semble fade… Si tout cela m’arrive, si tout cela nous arrive, il y a un imaginaire collectif de: haute cuisine, luxe, liberté, mœurs relaxées, débauche, sublimation des sens, arts… Bref, Paris sera toujours Paris, chantait Maurice Chevalier.
De nos jours, alors que les libertés individuelles fléchissent de plus en plus; que sur les aéroports on nous fouille, dans les poches et dans l’âme; que l’excellence n’est plus tendance; que la pauvreté d’esprit semble s’installer à toujours… Aujourd’hui, plus que jamais, l’évocation de la ville magique, comme hémisphère où tout est possible, reste nécessaire.
Les ennemis de la convivialité l’ont bien compris. Ils ont voulu, et ils ont réussi à attaquer le symbole. Ils ont attaqué la salle Bataclan dans le cœur de Paris. Cette attaque contre le plus précieux, la vie, est par extension une attaque contre le second le plus précieux: la liberté.
Le plus insultant contre l’intolérance est, paraît-il, la jouissance dans tous ses états. Quand l’homme s’amuse, quand il est détendu, quand il s’abandonne aux loisirs, il n’est pas sur ses gardes; c’est le moment de l’attaquer. En plus, si on attaque le loisir, on attaque les fondations de la liberté. Paris, symbole de tous ces charmes a souffert une attaque féroce, brutale. Le lendemain, la vie marchait au ralenti. On sentait la tristesse sur ses façades. Mais petit à petit, comme toujours, elle renaissait de ses cendres, ses rues se remplirent du parfum délicieux de la liberté. Par conséquent:
Nous aurons toujours Paris!
Manuel de Français