Devine Devinette
Un ami farceur mais au grand cœur, proclame que j’écris comme Unamuno. « Comme tu es gentil », je lui remercie. « Oui mon ami », me répond-il. « Parce que comme lui, ce que tu écris, ce ne sont pas des nouvellettes mais des nivollettes ». Et comme je lui remercie encore il s’encourage et ajoute : « Et pas question de sonnettes, mon vieux ; tu écris des sonnittes ».
Alors ce qui suit, je ne sais au juste pas comment le nommer. Mais mon ami farceur au grand cœur m’en apprendra.
Un Portrait
J’entreprends la tâche qu’on m’a ordonnée,
et je ne demande que ma plume glisse
sur cette feuillette, à la couleur lisse,
et qu’elle ne s’arrête point ; c’est ma volonté.
À cette fin, je voudrais vous offrir
des vers en rythme et mètre parfaits.
Mais pour faire en vers de quelqu’un le portrait
Émettrai-je bien sûr plus d’un soupir.
Je vous parle d’un être humain,
dont le genre, hélas !, n’est pas féminin,
déjà deviné ?, je m’en doutais, c’est masculin ;
vivant aujourd’hui et j’espère que demain.
Car le type n’est pas un gamin ;
de sa vie, le livre a plusieurs pages.
Mais plus qu’un homme d’un certain âge
C’est un homme d’un âge certain.
Il est plutôt petit, comme un garçon
Sa chevelure qu’il conserve en fil d’argent
Aussi chauve, quel indécent,
Comme quand il était jeune de 40 ans.
Malgré tous les automnes tombés,
son dos de courber n’est pas pressé,
comme le mât d’un navire, il est dressé ;
seulement sa jeunesse s’est paumée.
Mais l’âge qui d’habitude enlève, comme ils disent
souvent, apporte aussi et sans être beau,
plus intéressant est-il que quand il était bleu ;
ce sera vrai ; les femmes le disent.
Et me voilà qu’en essayant la rime,
Plus d’un tiers de mon soi-disant poème
Est déjà exposé, quel phénomène !
Mais allons peu à peu ; à ce rythme.
Pour continuer avec le personnage,
faudra-t-il ajouter ; c’est juste et prudent
qu’il est français d’adoption, de sentiment,
mais pas d’origine et ce n’est pas un outrage.
De la France et de sa chanson bien aimée
Est-il représentant de son plein gré.
Mais du pays de ses aïeuls, c’est vrai
Ambassadeur a-t-il été nommé.
Malgré son ascendance, à Paris est-il né,
dans le premier quart su siècle dernier
où partageaient-ils les rues, charrettes et cabriolets,
mais du début sentait il la gloire ; quel bon nez!
Peu après du bras de la Piaf s’est-il collé.
Plus qu’amant, confident, ami et chauffeur,
un va et vient, presque un servant, un chasseur,
une bonne à tout faire ; il a su décoller.
Et bien sûr, il a appris son métier ;
Son métier de chanteur, bien appliqué :
méticuleux, travailleur, étudiant sans université…
Car la vie, a été sa carrière, son sentier.
Et ayant autant de génie, que voulez- vous ?
Qu’il soit modeste ? Ne me faites pas rire !
Celui qui du néant a émergé, faut-il le dire
peut se permettre un certain orgueil, je l’avoue.
Mais à vraie dire, plus qu’orgueilleux, il est fier.
Plus que génie, artiste.
Plus que comédien, fantaisiste.
Chanteur d’aujourd’hui, de demain et d’hier.
Sa voix, vous me permettrez, n’est pas limpide
Son ton n’est pas doux ; plutôt rauque.
Mais ses paroles touchent et provoquent ;
sans elles, de ma vie, la bande sonore serait-elle vide.
Paris, lieu commun, c’est le décor sempiternel ;
dans ces chansons dont l’amour arrive…
Mais c’est sa perte, sa fuite ; sa question addictive
Le passage du temps, son sujet essentiel.
La perte de la jeunesse par conséquence,
Les amours perdus qu’évoquent les murs
des bâtiments, des églises comme un murmure
lointain, qui se répète comme un écho avec fréquence.
Survivant d’une époque dorée
de la chanson française dite La Chanson,
de sa construction le plus grand maçon:
le plus connu, le plus consacré.
Et jusqu’ici, le portrait plein d’admiration
d’un homme, un chanteur, un acteur, un artiste.
Pas besoin, j’en déduis d’ajouter aucune piste.
Si l’on a deviné, elles me précèdent, mes félicitations !
Manuel de Français