Le jeune chanteur est mort. Après Moustaki que nous reste-t-il ?
Dans la Radio de Julia, un programme à l’une des chaînes nationales de radio en Espagne, il était six heures et quart d’un après midi paisible. Soudain, après la publicité, on entend les premières notes de Le Métèque. Un pressentiment, une tape, un coup gelé (Miguel Hernandez m’est venu à l’esprit); la nouvelle était déjà donnée bien sûre, mais je ne savais rien. « Georges Moustaki, icône de la chanson française est mort aujourd’hui ; il n’avait que 79 ans », a-t-on déclaré.
On l’a consacré le programme. Mais comme métaphore qui essayait répondre à la question suivante : qu’est ce qu’il nous reste ? On l’a enlacé avec la plus célèbre phrase du plus célèbre film ; Casablanca : Toujours il nous restera Paris. Qu’est-ce qu’il nous reste à présent, comme lieu-refuge ? Que reste-t-il de nos chimères collectives ?
Après le programme, sous l’inspiration j’ai composé ces quelques lignes :
Le jeune chanteur est mort.
Il n’avait que dix-sept ans
C’est lui qui apportait à ma mémoire
Les plus beaux de mes mots d’amour
Barbu, voleur de jardins
Découvreur de fleurs qui n’avaient pas de nom
Traitre de sa liberté
Surveillée par sa belle geôlière.
Tu t’en es allé comme tu es venu
Sur la mer de Nice
Qui baigne aussi l’Alexandrie
Et Sète où repose le grand fou
Qui porte le même prénom que vous.
Avide d’information, selon les mœurs modernes j’ai cherché sur l’internet. Parmi pas mal de nouvelles, il m’a attiré le résumé d’une courte interview concédée par Marina Rosell à une chaîne catalane. Comme il y avait un lien j’y ai cliqué et d’une voix claire mais un peu angoissée, Marina, sa grande amie des dernières années, célèbre cantatrice, qui même vient de publier un disque de versions de Moustaki en catalan a déclare (parmi d’autres choses) :
Primo : Pour moi c’est comme si la bibliothèque d’Alexandrie fut brulée à nouveau.
Secundo : Il est mort la dernière légende de la chanson française.
Pour la première affirmation on n’a rien à dire, étant donné qu’il s’agit d’une opinion motivée par l’admiration et la douleur de la perte.
Mais la deuxième (néanmoins faut-il être compréhensif), est un titulaire digne d’un journaliste mais pas d’un copain de métier. D’abord parce que c’est ce qu’en espagnol on appelle une « jilipoyez » (une bêtise) et puis parce que ce n’est pas vrai.
Non madame Rosell, je partage dans la distance votre douleur que je sens comme propre mais heureusement il nous reste Aznavour.
Manuel de Français