La Double vie d’Anna Song (Suite imaginée)
Prendre un texte d’un auteur consacré. Commencer à lire. Quand on arrive à un point, à un passage, à un moment approprié : Fermez le livre. Prendre papier et plume. Imaginer la suite et écrire ; un court passage, deux ou trois pages au maximum. Lisez-le. Si le résultat vaut la peine, demandez des excuses à l’auteur. Si ce qu’on a écrit n’est pas bon ; ne le dérangez pas.
Pour lire l’antécédent (un fragment du texte original, clicquez sur la page « Textos Originales ») (sous la photo centrale).
Suite (imaginée) du fragment extrait du roman : La Double vie d’Anna Song. Minh Tran Huy, 2009)
Et c’est ainsi que j’ai commencé d’aimer Anna avant même de l’avoir vue.
Ma grand-mère a poussé la porte en fonte de la grille. Malgré son aspect rouillé elle s’est ouverte avec douceur. Un jardin aussi petit que soigné entourait la maison. Dans un coin un figuier le seul arbre absorbait toute la mélancolie des notes qui continuaient à tomber. Dès mon arrivée nous étions déjà deux à les partager. À la fin d’un petit sentier en gravillons et trois marches en marbre délabré, une porte s’est ouverte sans besoin de sonner. Une mince figure a émergée derrière elle. Sans doute Mme Thi. Elle doutait entre baiser mes joues sans doute rougies par ma pensée (j’avais lu que les vietnamiens avaient tous les dents vertes) et me serrer la main comme l’on fait à un petit homme. En observant avec allégresse la blancheur de son sourire je l’ai libéré de son embarras en lui offrant ma main avec un Bonjour madame.
Tout a été facile ; les deux vielles dames se sont arrêtées en se prodiguant des civilités. Moi j’ai suivi le couloir vers la musique. Une porte à double battant grand ouverte, donnait sur une salle de généreuses proportions, meublée avec sobriété où se détachait d’une façon éclatante un superbe piano laqué en blanc. Trois grandes fenêtres ne parvenaient pas à inonder la salle du soleil extérieur grâce au tamis des épais rideaux. Une douce pénombre accompagnait la douceur des notes. L’on aurait dit que le piano jouait tout seul car personne ne s’apercevait au-dessus, mais au-dessous deux petites jambes enfermées dans des collants blancs malgré la saison et les pieds chaussées en noir.
J’ai fait le tour du piano et assis sur un grand tabouret, une petite blonde dans une robe bleu pale m’épiait du coin de l’œil sans cesser de jouer. La valse que ses mains dansaient comme des papillons blancs autour des touches blanches et noires me troublait soudain.
Je n’étais plus devant une fille de mon âge mais d’une fée qui avait le pouvoir d’extraire mon état d’âme et de le traduire grâce aux notes et accordes et d’autres combinaisons incompréhensibles pour moi en sons qui étaient l’expression même de ma pensée. Pour un garçon réservé, cette extériorisation involontaire me troublait encore une fois.
─Veux tu jouer avec moi ?─sa voix interrompit mes méditations.
─Mais,…─ mon trouble était évident
─Comme tu vois, le tabouret est assez grand pour les deux et le clavier aussi.
Et c’est ainsi qu’une grande amitié est commencé. Elle perdure encore malgré tout, mais cela c’est une autre histoire.
Dois-je lui présenter mes excuses ?
Manuel de Français
Lundi le 10 février 2013
Tu peux, tu peux déranger qui tu veux…..