Maigret à table. 3 Maigret hésite.
Fidel à mon compromis, je ne fais pas de « Notes de Lecture », même comme je disais quand cette aventure est commencée ; je ne les lis jamais sauf quand j’ai déjà lu le livre. Cette aventure d’étriper les romans maigretiens en clé gastronomique on l’avait un peu abandonnée depuis juin 2012. C’est l’heure de recommencer.
Maigret hésite, enquête numéro 73 de Maigret, apparue 1968. Ici les repas se suscitent d’une façon quasi festive. En effet comme un réveil au printemps, Maigret refuse rentrer déjeuner chez soi pour s’offrir un menu à la Brasserie Dauphine. On ne nous dévoile pas ce repas printanier sauf qu’il se permet même un pastis au comptoir de la Brasserie. Toujours sous cette allégresse du bon être qu’à Paris, d’habitude au ciel gris plomb, proportionne un jour de mars soleillé, il entre de très bonne heure chez soi, guilleret. Pour fêter sa journée il entraîne sa femme dîner en ville. Un restaurant au Quartier Latin à la terrasse entourée d’une cloison vitrée qu’un brasero réchauffait agréablement. N’oublions pas qu’on est à Paris au début mars. Des fruits de mer. Maigret en commande de toutes les sortes. Même des oursins venus du Midi le jour même. Des rougets grillés. Et comme boisson : un pouilly fumé dont le parfum flottait encore parmi eux.
Le lendemain après une matinée dans une vieille demeure à la maisonnée blasonnée ce qui d’habitude lui produit une certaine oppression, soudain, dans la rue Miromesnil il retrouve un ancien restaurant sombre ou le menu était encore écrit sur une ardoise. Le patron le reçoit comme un vieil connu de la maison « …vous pouvez vous vanter d’avoir du nez… Il y a de l’andouillette… » Et un détail du temps de jadis : « les habitués avaient leur serviette dans des cassiers et fronçaient les sourcils quand leur place était occupée. » Un beaujolais peut-être assez jeune mais fruité à point dont le patron lui remplissait le verre. L’andouillette juteuse et croustillante, accompagnée de pommes frites qui ne sentaient pas le graillon. Comme désert on lui offrit d’office un baba au rhum plein de crème chantilly.
Le soir madame Maigret lui offre le déjeuner réchauffé. « Et qu’est-ce qu’il y avait à déjeuner ? » demande Maigret. « Du cassoulet », répond tout simplement madame Maigret.
Le lendemain, encore sous cet enthousiasme pré-printanier madame Maigret demande son mari s’il aimerait du poisson. Le commissaire rêveur lui demande de la raie au beurre noir. Il n’y a pas de confirmation que ce repas s’accomplisse.
L’enquête prenne toute son attention, il n’a plus de temps à dédier à des velléités gourmandes, seulement la soif persiste. « Pourvu que le verre soit grand… », répond Maigret à la jeune fille qui lui offre quelque chose à boire. La jeune fille revient sans plateau mais tenant d’une main une bouteille de saint-émilion vieux de six ans et de l’autre un verre en cristal taillé. Comme il avait parlé d’un grand verre, elle avait apporté un grand verre à eau, et il, resté seul dans la pièce, n’eut aucune honte de le remplir
Glossaire
Pastis Anisado (Ricard, Pastis 51 etc.)
Fruits de mer Marisco (generalmente frio)
Oursins Erizos de mar
Rougets grillés Salmonetes al grill
Pouilly fumé Vino blanco seco de un aroma…(*)
Andouillette Salchicha embutida en tripa natural.(**)
Beaujolais (nouveau) Vino tinto joven y afrutado (***)
Fruité afrutado
Juteux/juteuse jugoso/jugosa
Croustillante crujiente
Graillon gusto de grasa quemada
Baba au rhum pastel ligero (borracho)
Cassoulet aroximación a la fabada(****)
Raie au beurre noir Raya a la mantequilla negra
Saint-émilion Vino de la AOC de Burdeos
(*) Le Pouilly fumé est un vin sec d’Appellation d’Origine Contrôlée produit autour de Pouilly sur Loire. Issu du Sauvignon blanc replanté au début du XXème après le phylloxéra du XIXème. L’adjectif « fumé » fait référence à deux aspects :
. Sur les grains très serrés dans une grappe de sauvignon blanc, en maturité se forme une pruine (efflorescence très fine) de la couleur gris du fumé
. Les arômes et bouquets même le « fumet » reconnaissable (qui se dégage du frottement de deux silex)
(**) Charcuterie faite à partir de matières du tube digestif du porc en ajoutant des épices, condiments, vin… selon chaque recette. On le vend d’habitude cuit. Selon les puristes seulement celles de Troyes ou faites à la façon de Troyes ont le droit de se nommer andouillettes. D’habitude on les prépare grillées, poêlées ou passées au four. Comme garnison, le plus fréquent sont des pommes frites.
(***)Beaujolais. Vin rouge sorti du cépage Gamay dans la région géographique homonyme située au nord de Lyon. C’est un vin que d’habitude l’on sert jeune (Beaujolais nouveau) et qui est très publicité.
(****) Cassoulet. Une spécialité régionale du Languedoc à base de haricots secs et certaines viandes. Prend son nom de la cassole en terre cuite. Par extension c’est un sorte de ragoût de haricots longuement mijoté pour être fondant en bouche dont l’addition de viandes comme le jarret de porc, le confit d’oie ou de canard, quand le plat repose, le couvrent de gélatine. Trois pays dans la France se disputent l’authenticité du plat, à savoir : Castelnaudary, Carcassonne et Toulouse.
Recette Raie au Safran (Raya al azafrán)
Faire la recette de la raie au beurre noir peut être un peu compliqué pour les non initiés. On va donner une alternative très méditerranéenne : La raie au Safran. Sous cette épigramme on peut même trouver assez de variantes. On va développer une façon de faire très personnelle et très simple. On pourrait la dénommer : Raie au Safran au gout du Géomètre.
En Espagne de nos jours dans toutes les poissonneries même celles des supermarchés il ya des dames charmantes aux mains gantées en caoutchouc. Sur demande et avec un sourire á la bouche, n’importe quelle pièce de poisson la livrent bien propre, épelée etcétéra. « Madame la poissonnière, sil vous plaît : deux ailes de raie bien propres. » Le soir arrivé, par un excès de cèle, on peut les laver à nouveau. Faudra-t-il les laisser égoutter bien égouttées dans une passoire et finalement les déposer sur un papier absorbent de cuisine. On coupe quatre tranches de beurre d’un demi centimètre chacune. Le beurre récent sorti du réfrigérateur est encore un peu dur. L’on prend le la main (droite ou gauche, ça dépend de chacun) et l’on étale l’une des surfaces de l’aile de raie. On fait la même chose avec l’autre surface et avec l’autre aile Sur ces surfaces beurrées un peu de sel gros et l’on dépose chacune de ces ailes dans une cassole en terre cuite. Feu très bas. C’est important que les ailes ne se collent pas au fond des cassoles. Après cinq minutes ce serait bon moudre un peu de poivre noire et épicer les ailes et finalement ajouter sur ces surfaces poivrées des brins de safran (de la Manche, région espagnole, s’il est possible). Vérifier en faisant des mouvements de main à la façon de la morue au pilpil et couvrir les cassoles avec des couvercles de cuisine. Entre cinq et dix minutes selon les gouts. Pour mieux sentir les arômes du safran on peut supprimer le poivre.
Tandis que le feu travaillait l’on a préparé une salade de mâches, pignons légèrement grillés et petits dés de fromage de chèvre assaisonnée d’une vinaigrette légère.
Votre ami/amie est déjà a la porte. Il ne reste que faire sortir du réfrigérateur la bouteille de (on a choisi un vinho verde de Portugal). Bon appétit et bonne soirée.
Manuel de Français